Ça suffit
Aucun geste
Je paie mes factures
Silence
Je réponds
Que je parle des yeux
Il y a tout à comprendre
Immédiatement je jeûne
Pour quelques minutes
Pour mes pauvres restants
Que j’avale
L’art est de me présenter tel quel
D’attendre que mon phénomène passe
Je hurle
Dans une position insultante
D’une politesse incurable
Je vais bon train
Je mets des serrures à la musique
Et ça marche
Je deviens ce que j’entrevois
Mes derniers cris
Mon corps mou n’est pas rempli
Détachable
Mais je ne me soumets pas
Je me rencontre au lampadaire
À pas détendus
Je remplis mes distances
D’une lumière maquillée
Je sens mes pièces
Je peux dire qui y habite
Qui s’entretuent
Dans une nuit faite
Pour m’occuper
Je m’accuse
J’ai du mal à saisir
Alors je règle les questions
Comment faire autrement
Je dis
Et je repars
Perdue entre mes oreilles et ma voix
J’arrive à reconnaître les rides
De mes surfaces à l’envers
Je suis déjà loin
Ma présence est imprimée
Dans l’air sec
Ma présence mouille l’air
Que je veux suspendre
C’est incontrôlable
Je cours partout
Je n’ai rien à fuir
Ma peur est partout
Je n’ai pas de lieu
Daphnée Azoulay, « Ça suffit… », Tout près de la nuit, Les Herbes rouges, 2005, p. 24-25.